[théâtre] « Le développement de la civilisation à venir » de Daniel Veronese, d’après « Une maison de poupée » d’Henrik Ibsen

Nora est l’adorable petit étourneau toujours gai de Jorge, son mari. Elle rit, chante, danse, dépense, et remplit sa maison et son quotidien d’une joie enfantine. Pourtant, au-delà de sa charmante frivolité propre à séduire un mari fat, aimable pourvu qu’il garde la main sur tout, on devine petit à petit un caractère volontaire, une femme qui joue une comédie douloureuse pour cacher une faute commise pour sauver son mari. Cependant, pour son époux, qu’importe si le délit de Nora a été commis par amour, il ne peut lui pardonner l’opprobre qui le menace par sa faute, et en devient vulgaire et brutal. Mais face à l’adversité Nora, jusque-là étouffée dans une structure familiale socialement imposée et inféodée à une image d’écervelée couvée par son mari paternaliste, va se révéler. Elle va arracher ses liens, quel qu’en soit le prix social ou personnel à payer, sans savoir pour autant si elle pourra conquérir sa liberté.

"Le developpement de la civilisation a venir" Daniel VeronesePhoto : Sergio Chiossone

Le metteur en scène argentin Daniel Veronese propose ici sa version d’Une Maison de poupée d’Henrik Ibsen, dans un remarquable mélange d’audace et d’absolue fidélité : fidélité à l’argument principal de la pièce d’origine (datant de 1879), audace quant à son adaptation. Pour en souligner l’acuité toute contemporaine, il choisit de recentrer l’action en en réduisant le nombre de protagonistes et en la transposant de nos jours, quelque part en Amérique latin. Ainsi, l’adaptation de Veronese nous parle d’aujourd’hui : de la crise, du couple et de la place de la femme.

Ajoutons que les acteurs sont tous formidables ! Leur interprétation, viscérale et violente, bouleverse. Carlos Portaluppi, dans le rôle de Jorge, joue de sa corpulence bonhomme pour écraser sa femme de ses certitudes ; et Maria Figueras compose une Nora époustouflante ! Au début elle ne parait être qu’une gamine ne tenant pas en place, esquissant trois pas de claquette à chaque instant, un moulin à paroles qui noie les situations dans son babillage incessant. Petit oiseau écervelé, elle va pourtant tomber le masque sans artifice. A la fin, elle a pris dix ans en une heure : ses traits sont tirés, son corps, comme alourdi : elle a perdu sa grâce d’enfant pour affronter son destin. « Je ne peux plus me contenter de ce que les gens disent ni de ce qu’il y a dans les livres. Je dois penser par moi-même et tâcher d’y voir clair » dit Nora, avant de prendre la porte.

Veronese propose un théâtre réaliste d’une grande profondeur et d’une puissance stupéfiante ! Son adaptation est enthousiasmante ! Même en espagnol surtitré !

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Le développement de la civilisation à venir
Adaptation et mise en scène de Daniel Veronese
D’après Une maison de poupée d’Henrik Ibsen
Avec Maria Figueras (Nora), Carlos Portaluppi (Jorge), Mara Bestelli (Cristina), Roly Serrano (Krogstad) et Berta Gagliano (Docteur Rank)
Durée : 1h15
Spectacle vu le 11/12/2012 à la Scène Nationale d’Albi.

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