[roman] « Désert américain » Percival Everett

Désert américain - Pervival Everett

Que Théodore Larue fût mort était indiscutable. L’ironie de cette mort accidentelle passa inaperçue puisque nul ne savait qu’il était en route vers son suicide quand il fut, disons, interrompu.

Théodore Larue, héros de ce roman farfelu, professeur d’université dépressif, s’en va se suicider. En chemin, il est interrompu par un camion qui percute sa voiture : il valdingue alors à travers le pare-brise et est décapité net ! Les services funéraires recousent la tête au corps vite fait, mal fait, et dans l’église, tandis que femme et enfants pleurent et que les collègues universitaires s’embourbent dans des éloges hypocrites, voilà que Ted se redresse et s’assied dans son cercueil ! Résurrection ! Et panique dans le public…

Commence alors pour Ted une foldingue aventure : alors que lui paraît avoir gagné en sagesse et humanité, il se retrouve pourchassé par les médias en quête de sensationnel, puis enlevé par la secte mystico-religieuse de Big Daddy qui voit en lui l’antéchrist, et enfin séquestré par les services secrets américains qui l’emportent, pour l’étudier, dans un laboratoire du Nouveau-Mexique où un savant fou tente de cloner le Christ. Car son statut inédit de mort-vivant (ou de vivant-mort) attisent toutes sortes de questions, de convoitises et de fantasmes.

Percival Everett n’y va pas de main morte ! Sur un rythme endiablé et d’un style mordant, il jongle entre l’absurde le plus délirant et la satire grinçante. Car au-delà du récit extravagant de son héros ni mort ni vivant, Percival Everett dresse le portrait d’une société américaine parfaitement déboussolée, prise entre les feux des médias, des politiques et des religieux : il prend ainsi tour à tour pour cible le milieu universitaire, les médias, le fanatisme et l’obscurantisme religieux, les dérives militaristes… Mais à vouloir épingler tous les travers de la société américaine en un seul roman, Percival Everett additionne les péripéties loufoques en un défilé d’épisodes comiques (et grand-guignolesques à l’occasion) sans réelle profondeur. Et si au début on s’amuse des calamités invraisemblables qui s’abattent en continu sur Ted, le procédé, systématique, devient répétitif, et la satire un peu brouillonne.

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⭐ Désert américain (American Desert), Percival Everett, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Anne-Laure Tissut, Ed. Actes Sud, coll. Lettres anglo-américaine, 2005 (2004), 319 pages, 22 €.

Du même auteur : Effacement, Pas Sidney Poitier, Montée aux enfers & Percival Everett par Virgil Russel.

10 commentaires sur “[roman] « Désert américain » Percival Everett

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  1. Je me permets de copier ici un extrait de ma vieille critique de ce titre, car je me suis complètement retrouvée dans la tienne.
    Sans doute pas le meilleur Everett, donc -on pourrait dire avec ce roman qu’il pêche par excès- mais on ne peut pas dire non plus qu’il soit vraiment mauvais.
    ———————————————————————————-
    « C’est à un véritable jeu de massacre que se livre Percival Everett avec cette farce grinçante, prenant pour cible tous les travers d’une société gangrenée par la course au pouvoir et le besoin quasi maladif de se créer des gourous de toutes sortes.
    Peut-être a-t-il voulu en faire trop : les sujets abordés sont multiples, mais finalement traités sans réelle profondeur. Ils le sont aussi parfois de façon caricaturale, mais cela ne m’a en revanche pas gênée, dans la mesure où il parait évident que la volonté de l’auteur était justement de jouer sur le registre du grotesque, de la parodie. »
    ————————————————————————————–

    A bientôt…

    1. « Effacement » reste le top du top, mais ce roman-là est tout de même assez drôle.

  2. Ah mais toi aussi tu as déménagé (je suis en train de faire une page de lien et stupeur, ils seront à jour 🙂 bon le Everett ne me tente pas trop sinon

    1. Vi, j’ai déménagé parce que mon ancien hébergeur arrivait à saturation dans la formule gratuite.
      Pour Everrett, il FAUT lire « Effacement » ! Celui-ci est en deçà…

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