Il est question de nuages et Virginie Latour commence à comprendre. Elle comprend qu’au début du dix-neuvième siècle quelques hommes anonymes et muets, disséminés dans toute l’Europe, ont levé les yeux vers le ciel. Ils ont regardé les nuages avec attention, avec respect même ; et, avec une sorte de piété tranquille, ils les ont aimés.
Voici la curieuse histoire des nuages et de ceux qui les ont contemplés. C’est une épopée étrange, parfois anecdotique, contée à petites touches par Akira Kumo, vieux et célèbre couturier japonais qui collectionne les ouvrages consacrés aux nuages, à sa jeune bibliothécaire. Il est donc question de nuages et de chasseurs de nuages : Luke Howard qui inventa leurs noms, le peintre Carmichaël qui voua son art à la reproduction des ciels au point de se perdre dans l’impalpable, Richard Abercrombie qui fit le tour du monde pour voir si les nuages étaient partout identiques, Akira Kumo lui-même et son enfance meurtrie à Hiroshima qu’il se remémore petit à petit. Un premier roman qui traite de l’oubli comme moyen de survie.
Les nuages, propices à la rêverie, sont donc les inspirateurs de ce roman : un sujet volatile pour un roman déroutant, d’une érudition légère et élégante, et d’un grand sens de la narration. Un récit dans lequel s’emboîte une multiplicité de destins, tous voués à la contemplation des nuages, et se répondant les uns aux autres, entrant en résonance pour former un hymne aux chercheurs d’absolu, une épopée où la course aux chimères prend des allures existentielles et où chaque page invite à lever les yeux vers les cieux.
Plus les hommes savent se protéger du temps qu’il fait, plus ils parlent du temps qu’il fait ; peut-être pour passer le temps.
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⭐⭐ La théorie des nuages, Stéphane Audeguy, éd. Gallimard, coll. Folio, 2007 (2005), 319 pages, 6,60 €.
ah, merci de publier une critique de ce livre puissament original , passé quasi inapercu malgré sa parution en poche ; il me semble que les blogs l’ont peu commenté et c’est bien dommage . J’ai bcp offert ce livre autour de moi, pour ma part
C’est vrai, ce livre est passé un peu passé inaperçu, est c’est bien dommage. C’est un roman d’une érudition légère et accessible, et une jolie évocation de la poésie des nuages…