[roman d’espionnage] « L’espion qui venait du froid » John le Carré

L'espion qui venait du froid - John le Carré

Pour notre réunion du jour du Club Lire et Délires, le thème choisi était « les espions »… Pas trop dans mes appétences ce thème-là ! En réfléchissant bien, mais alors, bien bien fort (pfff, que d’efforts ! le froissage de neurone n’est pas loin), je crois avoir lu un ou deux Agatha Christie à la sauce espionite, mais c’est bien tout. Donc, de prime abord, quelques réticences sur la thématique. Mais c’est le principe du Club : découvrir de nouveaux horizons littéraires vers lesquels nous ne serions peut-être pas allés de nous-même. Pour relever le défi, il me fallait donc commencer par choisir un livre… première difficulté quand on ne connaît rien de rien au genre. Après quelques recherches et conseils piochés ici ou là, mon choix s’est arrêté sur L’espion qui venait du froid de John le Carré car, quoique un peu ancien (publié en 1963), il est présenté comme un classique du genre ayant de plus « révolutionné » le roman d’espionnage.

Donc, L’espion qui venait du froid, de quoi ça cause ?

Pendant la guerre froide, Alec Leamas, agent secret britannique, est le chef du réseau britannique d’espionnage à Berlin Ouest. Mais Alec vient de perdre tous les membres de son réseau, découverts et exécutés l’un après l’autre, sans exception. De retour à Londres, et en raison du fiasco berlinois, il est mis au placard et commence à boire… Mais l’apparente déchéance de Leamas cache en réalité une opération alambiquée devant permettre de sauver un agent double en passe d’être démasqué et de faire tomber Mundt, haut gradé de l’espionnage est-allemand responsable de la destruction du réseau d’Alec. Leamas feint de vouloir trahir les services anglais qui l’emploient pour mieux infiltrer le camp d’en face… Mais dans ce jeu à double voire triple fond, il est bien difficile de déterminer qui au final manipule qui…

Paru en 1963, en pleine guerre froide, et traitant justement de la guerre froide, ce livre reflétait indéniablement l’atmosphère de l’époque, remporta un grand succès, fut adapté au cinéma par Martin Ritt dès 1965, et marqua le genre du roman d’espionnage. Mais aujourd’hui, l’intrigue parait un peu « datée » : certains aspects ou détails s’avèrent un peu hermétique au lecteur contemporain. Il est toutefois intéressant de (re)découvrir ainsi certains faits historiques liés à la guerre froide, au partage de Berlin, aux pratiques du KGB et de la CIA…

Le roman n’offre ni poursuites épiques, ni fusillades spectaculaires, ni gadgets à la James Bond : juste des hommes aux prises avec d’autres hommes et avec la machine des services spéciaux. Les personnages, Alec Leamas en tête, sont bien caractérisés, tous troublants car ambigus, retors, à la fois manipulateurs et manipulés par des instances supérieures qui se jouent de chacun d’eux (une exception, le personnage féminin, larmoyant et niais, assez caricatural et peu enthousiasmant). On ne sait bientôt plus que croire et à qui faire confiance ! Car, outre la lutte entre Est et Ouest, on devine des rivalités à l’intérieur même des services de renseignements des deux camps, rivalités qui interférent dans le conflit Est/Ouest. L’intrigue par moment s’avère donc un peu confuse, mais reste sous tension. Le lecteur est pris au piège, ballotté d’un camp à l’autre, sans certitude, jusqu’au dénouement… qui met en exergue la logique mathématique et perverse des services de renseignements et le cynisme de la raison d’État.

L’espion qui venait du froid est donc un livre plutôt agréable à lire, une curiosité teintée d’anachronisme non dénuée d’intérêt car, par certains questionnements, toujours d’actualité. John le Carré, lui-même passé par les services spéciaux anglais, déclare avec justesse dans une nouvelle préface que le roman

n’est pas authentique mais crédible car il pose la même bonne question que nous nous posons cinquante ans plus tard : jusqu’où sommes-nous capable d’aller au nom de la légitime défense des valeurs de l’Ouest sans les abandonner en chemin ? »

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⭐ John le Carré, L’espion qui venait du froid (The Spy Who Came in from the Cold), traduit de l’anglais par Marcel Duhamel et Henri Robillot, éd. Gallimard, coll. Folio policier, 2013 (1963), 328 pages, 8 €.

Lire & délires Thématique : roman d’espionnage

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5 commentaires sur “[roman d’espionnage] « L’espion qui venait du froid » John le Carré

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  1. J’en ai lu plusieurs, c’est bien fait, plus psychologique qu’action pure! Evidemment de nos jours les gros méchants ne sont plus les mêmes…

    1. Oui, plus psychologique qu’action, et c’est cela qui m’a plu. Et, en effet, si aujourd’hui les méchants ne sont plus les mêmes, les questions soulevées par le roman (pour défendre un idéal, peut-on s’autoriser à en violer les principes ?) sont toujours actuelles…

    1. Oui ! Je n’étais pas convaincue par la thématique au départ, et finalement j’ai plutôt aimé. Au point de sans doute lire quelques autres roman du genre, en commençant par « La taupe » du même auteur certainement.

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