Zarza, la trentaine, vit une petite vie solitaire et étriquée, en mode « pilotage automatique », refusant tout lien affectif et niant toute émotion. Mais ce matin Zarza est réveillée par le téléphone : « Je t’ai retrouvé »… Elle prend aussitôt la fuite, sans savoir où trouver refuge… à perdre souffle, elle court, avec pour seul moteur une peur panique ! Mais la fuite n’est pas une issue : elle va devoir revenir sur ses pas et affronter son passé, pour s’en libérer. Et la (re)voilà plongée dans les dédales de la misère urbaine et de la Reine Blanche, dans les réminiscences d’un passé violent qu’elle a tout fait pour oublier.
Rosa Montero présente dans ce roman un univers particulièrement sombre et sordide : désamour, abus, drogue, prostitution, violence, trahison… Seule la présence de Miguel, le jeune frère autiste de Zarza, illumine par moment de sa candeur, ses maladresses, sa fragilité et ses éclairs de lucidité ce récit par ailleurs très oppressant.
– Tu comprends ce que je dis ? C’est à cause de moi, Miguel, que ce méchant homme t’a fait du mal… Tu ne me comprends pas, fais donc un effort…
– Oui, je comprends, dit Miguel d’une voix ténue et posée. Je me souviens de l’homme. Mais je t’aime pareil. (p. 185)
Le Territoire des Barbares est un thriller psychologique très noir, que l’on parcourt partagé entre angoisse, dégoût et fascination, mais que l’on ne peut lâcher. Rosa Montero réussit à nous « tenir » non tant par l’intrigue, un peu surchargée en traumas, que grâce au rythme de l’histoire (cette course effrénée dans un univers hallucinatoire), à son style dépouillé et percutant, et à l’ambiguïté du personnage de Zarza qui, sous son apparence de victime, laisse transparaître le bourreau potentiel (et nous renvoie à nos propres errements).
Un roman noir haletant, au dénouement un peu rapide : toutes les questions soulevées ne trouveront pas de réponse. Mais le roman s’achève sur une mince lueur qui laisse entrevoir un « meilleur » possible.
Le retour à la vie est parfois un voyage difficile. (p.11)
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⭐ Rosa Montero, Le Territoire de barbares (El corazón del Tártaro), traduit de l’espagnol par André Gabastou, éditions Métailié, 2002 (2001), 224 pages, 18,50 €.
Du même auteur : La fille du Cannibale & La chair.
Je lis systématiquement les romans de l’auteur, de toute façon. Celui ci n’est pas mon préféré, mais je l’ai l u d’un souffle
Moi aussi je lis systématiquement Rosa Montero ! 😉
Je te sens toutefois un peu déçue.
Je ne dirais pas « déçue » mais, si j’ai admiré l’exercice de style, j’ai trouvé le texte un peu « aride » j’en conviens.
Je l’ai lu il y a longtemps et je ne me souviens de rien, sauf en effet de cette dimension sordide, et d’un vague sensation de malaise et d’étouffement provoquée par la lecture !
C’est tout à fait ça ! C’est étouffant et un peu sordide, mais très bien mené.
J’en ai lu 3 et j’aime beaucoup les romans de cet auteur mais je l’ai abandonné au bout d’une centaine de pages. Je n’ai aps réussi à trouver de l’intérêt pour l’héroïne, ni pour l’histoire, ni pour le style ( pas du tout le même que l’humour qu’on peut trouver dans sa série de SF ou dans essai sur Curie…)
En effet, l’héroïne n’est pas sympathique et le style est noir. Je comprends que cette histoire puisse « rebuter ».
un peu le même sentiment que toi, pas complètement convaincue. Elle a fait tellement mieux (L’idée ridicule de ne plus te revoir)
« L’idée ridicule de ne plus jamais te revoir » est magistral ! ❤