L’odieux Fedor Karamazov a (officiellement) trois fils : le cadet, Alexeï, est un homme doux, profondément religieux, qui se prépare à devenir moine ; son frère Ivan est un intellectuel désabusé, un athée rationaliste et pessimiste ; leur demi-frère aîné, Dimitri, est un hédoniste exalté chez qui le vice et la vertu cohabitent, un homme à la fois « sincèrement noble et sincèrement vil ». Sur fond de haine familiale, de disputes autour d’un héritage et de rivalité amoureuse entre Fedor et Dimitri, le père est assassiné… Par quel fils ? Dimitri par jalousie et cupidité ? Ivan qui détestait son père au point de distiller des idées de meurtre dans la tête de Smerdiakov (le 4e fils, l’illégitime, morose et épileptique, traité en domestique) ?
S’en suit alors enquête et procès, avec son lot de révélations, de rebondissements, d’épisodes dramatiques et mélodramatiques, et une foultitude de protagonistes, de personnages secondaires complexes et ambigus (la capricieuse et volage Grouchanka, la noble Katerina, le gamin Ilioucha, le moine Zosime…). Mais cette intrigue policière n’est que l’une des composantes de ce roman riche et complexe. En effet, Dostoïevski intercale au cours de son récit des épisodes annexes, des intrigues parallèles qui connaissent des développements et des conclusions indépendantes. Il y a, par exemple, l’histoire tragique du jeune Ilioucha, un gamin écrasé par le déshonneur de son père ; il y a les intrigues et rivalités amoureuses liant Dimitri, Grouchenka, Fedor, Katia et Ivan ; il y a le récit de la vie du très saint Zossime ; il y a aussi une quarantaine de pages dédiées à un débat théologico-philisophique (assez dense) entre Alexeï l’homme de foi et Ivan le sceptique… Toutefois, ces différents récits convergent en un thème qui traverse tout le roman : la question du mal. Face à la bassesse, la jalousie, la cupidité, la bêtise, la méchanceté, le crime et l’injustice, Dostoïevski s’interroge : l’homme est-il intrinsèquement mauvais ? Comment vivre avec ce mal présent partout et en chacun ? Et comment croire en un Dieu qui accepte le mal dans sa création ? La question du mal se déploie ainsi en de nombreux corollaires : les thèmes de la foi et du doute, du libre arbitre, de la responsabilité morale… De plus, bien qu’en apparence la réflexion sur les problèmes politiques et sociaux n’ait pas la première place dans ce roman, elle reste présente en filigrane.
Avec Les Frères Karamazov, Dostoïevski livre un roman volumineux (900 pages !) et touffu, riche et complexe. Il empile un traité philosophico-théologique à une structure de polar et métamorphose un discours intellectuel profond et abstrait en un roman populaire. Et si la fin du roman reste ouverte, si, au final, rien n’est résolu, le lecteur doit toutefois en avoir conclu quelque chose : il faut reconnaître le Mal qui est en chacun de nous car chaque homme est dual.
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⭐⭐⭐ Fedor Dostoïevski, Les Frères Karamazov, traduit du russe par Elisabeth Guertik, éditions Le Livre de Poche, 1996 (1880), 918 pages.
Je l’ai lu il y a quelques années, aimé, mais je me rends compte qu’il ne m’en reste pas grand-chose (sacrilège ?!).. à l’inverse de Crime et châtiment.. à relire un jour, donc…
Pas lu « Crime et châtiment »… « Les Frères Karamazov » est un roman riche et complexe, qui mérite sans doute d’être relu pour être mieux appréhendé.
Il n’est pas sûr que j’accroche à l’auteur, en dépit de mes tentatives;..
J’ai aimé les deux romans de Dstoievski que j’ai lu (celui-ci et « L’idiot ») ; le style est foisonnant mais moi j’aime ça ! 😉
J’ai lu l’Éternel mari comme approche de cet auteur et j’avais beaucoup aimé…. Il faut que je poursuive ma découverte de cet auteur….😉
Pas lu celui dont tu parles… Je vais regarder ça !
Mon roman préféré de l’auteur.
J’ai aussi lu et aimé « L’idiot », mais j’ai préféré « Les Frères Karamazov.