Un souffle parcourt les prairies du Far West, aux abords d’une ville naissante vers laquelle toutes les pistes convergent.
« Faillir être flingué », c’est l’une des règles immuables du western : il faut que les héros passent tout près de la mort mais l’évitent toujours, au dernier moment, et avec adresse. Et au fil de ce roman, ils sont une poignée a ainsi « faillir être flingués » ! Il y a les frères McPherson, Brad et Jeff, et Josh, le fils de Brad, qui traversent laborieusement les grands espaces, avec leur vieille mère mourante et hurlante dans un chariot brinquebalant tiré par deux bœufs opiniâtres ; il y a Xiao Niù, gamine énigmatique qui comprend le chant du coyote ; il y a le déguenillé Zébulon, aux sacoches pleines de dollars, qui ne rêve que d’un point d’eau où se décrasser ; il y a Bird qui traque Elie qui lui a volé son cheval ; il y a Grifford, a moitié mort de variole et sauvé par Eau-qui-court-sur-la-plaine, une guérisseuse indienne ; il y a Arcadia, la contrebassiste itinérante, qui s’est fait voler son archet par Quibble et « sa bande de crétins » ; il y a le chef indien Orage grondant sur le chemin de la guerre ; et il y a aussi Sally, la tenancière de saloon… Et tant d’autres personnages dont les destins vont se croiser pour converger vers une ville embryonnaire, eldorado pourrave en devenir.
Le roman met ainsi en scène des dizaines de « traîne-la-plaine » formidablement vivants, qui se galopent après, se tirent dessus, se saoulent la gueule, se sauvent la vie… Et chaque situation pose discrètement la même question, fondamentale et fondatrice : que se passe-t-il quand deux êtres se rencontrent ? Choisissent-ils de s’entraider ou de s’entraver ? Le roman de Céline Minard expérimente tous les cas de figure, toutes les combinaisons. Les grands espaces du Far West sont ainsi le laboratoire d’une civilisation en train de se bâtir, qui peaufine peu à peu ses règles, les principes qui régissent la vie collective, et où tout est encore possible.
Ce récit est donc construit en une succession de portraits et de scènes, un enchaînement de paysages, un enchevêtrement de destins… Céline Minard y louvoie entre personnages incontournables (indiens, cow-boys, pionniers, héros solitaire, filles de joie…) et figures imposées du western (attaques d’indiens, règlement de compte au saloon, attaque de diligence, duel au pistolet, bande de hors-la-loi…) pour composer une fresque pittoresque et trépidante où le mythe de la conquête de l’Ouest Américain est revisité avec brio et humour ! Car si les grandes thématiques du western (la confrontation entre nature et civilisation, le face-à-face entre l’Indien et l’homme blanc…) sont bien présentes, Céline Minard se joue des poncifs du genre en les travestissant avec finesse.
Chronique burlesque de la conquête de l’Ouest, Faillir être flingué est un roman polyphonique opulent saisissant de maîtrise, au style fluide, plein de souffle et d’humour. Époustouflant !
______________________________
❤ Céline Minard, Faillir être flingué, éditions Rivages, 2013, 336 p., 20 €.
Du même auteur : So long, Luise & Bacchantes.
Contente de te retrouver dans un nouvel espace !:)
Merci ! 🙂
Bonjour,
C’est drôle de retrouver un western en best-seller de blogueuses.
Amicalement
Le Papou
De prime abord, un western n’était pas pour me plaire… Et pourtant !
So long Luise, son précédent , m’avait époustouflée (la tentatrice = cathulu ^_^), depuis évidemment je suis l’auteur, et ce roman est près de mon lit.
Il est sûr qu’après cette très belle lecture je vais m’intéresser aux précédents ouvrages de l’auteur ! Je note « So long Luise » !
Après ce billet et celui de Cuné, c’est bien simple, il me le faut absolument!
Il FAUT lire « Faillir être flingué » ! 😉
Le côté western me fait un peu peur, je ne crois pas que je le lirai, pourtant je n’ai lu que des avis positifs sur ce roman, que ce soit les blogs ou dans la presse!
Le côté western ne me tentait pas vraiment non plus, et finalement je me félicite d’être passé outre cette réticence car j’ai adoré ce bouquin ! Peut-être en serait-il de même pour toi ?
Il cartonne sur la blogo !
Il le mérite ! 🙂