Je sais à quel point cette histoire pourra semer de trouble et d’angoisse, à quel point elle perturbera de gens.
Dans un monde proche du notre mais aux vagues allures futuristes, une jeune femme se métamorphose peu à peu en truie. Sous la forme d’un monologue, elle relate son histoire : elle décrit les premiers symptômes de sa mutation physique (sa chair qui s’arrondit et rosit jusqu’à la poussée de mamelles) et psychique (son aversion soudaine pour la charcuterie) tout en racontant aussi son quotidien totalement bouleversé par cette transformation bien difficile à gérer ! Un roman qui se veut à la fois conte fantastique licencieux et satire sociale : de grandes prétentions donc pour un récit que j’ai trouvé au final assez pénible.
Tout d’abord la narratrice est d’une naïveté (pour ne pas dire d’une bêtise) exaspérante : employée comme « démonstratrice-masseuse » dans une parfumerie, elle ne se rend pas compte qu’en fait elle y est prostituée. Puis, ballotée d’homme en homme au grès des événements, elle reste totalement passive, comme dépourvue de volonté propre. Et si sa métamorphose en truie est censée symboliser son émancipation – sa transformation devant l’amener à penser par elle-même pour la première fois -, au final elle reste complaisamment sotte. Quant au style, sur le mode « réaliste » de l’oralité, il s’avère d’une pauvreté déplorable, alors même que la narratrice-truie est censée apprendre au fur et à mesure de sa métamorphose.
Les personnages secondaires sont tout aussi caricaturaux, particulièrement les hommes, tous décrits comme en quête permanente d’argent, de reconnaissance, de pouvoir et tous asservissant les femmes considérées comme de simples objets de plaisir. Et le récit se poursuit ainsi, de clichés en clichés. Par exemple, notre truie évoque bien évidemment saleté et puanteur et s’oppose donc, a priori, au monde beau, élégant et haut de gamme de la parfumerie. Mais bien sûr on réalise bien vite en lisant ce livre que finalement ce milieu-là s’avère totalement factice, cachant derrière de jolis atours hypocrisie, vice et malveillance.
La seconde moitié du roman dérive quant à elle vers une dimension politique inaboutie : immigration, censure, répression, ministère des « bonnes mœurs », tout y est, et tout y est survolé ! Et la succession de rebondissements, de course-poursuites, de captures et d’évasions qui se déchaîne dans cette seconde moitié du livre s’avère vite lassante.
S’il se veut riche en messages, ce roman n’avance finalement rien de réellement nouveau. Un livre ambitieux donc, mais qui manque cruellement de subtilité : à trop forcer le trait, le message perd de son efficacité.
______________________________
⛔ Marie Darrieussecq, Truismes, éd. Gallimard, coll. Folio, 1998 (1996), 148 pages, 5,60 €.
Merci de m’avoir donnée l’envie de le lire !
Et bien ! Je ne pensais vraiment pas qu’un avis aussi négatif pouvait donner envie !
Si justement, pour me faire une propre opinion du livre! Est-il vraiment ambitieux ? Peu subtil ? J’ai hâte de vérifier cela 🙂
Je serai curieuse de pouvoir confronter nos avis et ressentis !
Oui, ça serait intéressant. Quand je l’aurai lu, je vous ferai partager mon avis !
Volontiers !
Et bien moi, ça ne m’a pas du tout donné envie ! 😉 Avec un titre pareil, déjà, je l’avais mis à l’écart depuis longtemps…
Tu peux laisser de côté, sans regret !
Je n’aimais pas le titre, mais après avoir lu ton billet je vais passer mon tour pour cette lecture sans regret 😉
Tu peux passer, sans regret ! 😉
J’ai souri en voyant l’entrain de Bécan après la lecture de cette chronique 🙂 Je passe donc mon chemin …
Passe donc, tellement d’autres livres prometteurs nous attendent par ailleurs ! 😉
Je n’ai pas aimé du tout non plus. Beaucoup de bruit pour rien, j’ai peiné à le finir alors qu’il est (heureusement !) très court.
Tout pareil !