[roman] « Chat sauvage » Jacques Poulin

Québec en novembre, toujours ! Et aujourd’hui je vous parle de Jacques Poulin…

Chat sauvage - Jacques Poulin

Le narrateur, Jack, est un écrivain public cinquantenaire installé au cœur du vieux Québec. Un beau soir, un vieux bonhomme hirsute vient lui rendre visite : « Je voudrais écrire à ma femme… » un silence… « tout compte fait, je reviendrais une autre fois » et l’homme disparait, laissant Jack interloqué…

Jack reprend alors sa douce vie quotidienne auprès de Kim, sa très séduisante compagne. Et comme nous avons affaire à un homme de goût, il nous compte ses errances dans le vieux Québec, le plaisir du thé dégusté en compagnie du chat Petite Mine, et ses lectures de chevet, Richard Ford, John Irving, Raymond Chandler, Raymond Carver…

Par définition, le métier d’écrivain public expose à des rencontres : une jeune fugueuse lectrice de John Fante, un paumé avec lequel à l’occasion le narrateur partage son minibus Wolgswagen… Et puis, toujours, ce vieux bonhomme qui vient et repart aussitôt. Et celui-ci finit par obséder Jack qui ressent le besoin de retrouver sa trace et commence une filature discrète dans les rues de la vieille capitale. Au terme de sa quête, sa vie prend une direction à laquelle il ne s’attendait plus…

Rien là de bien original, pourrait-on penser. Mais tout est dans la manière de dire. Et Jacques Poulin a la manière, simple, sobre, harmonieuse, qui donne à voir, et à ressentir. Des personnages attachants, nimbés d’un léger mystère, occupent l’espace ; une atmosphère poétique et nostalgique imprègne le roman ; un érotisme latent, est étonnamment présent… Et puis, parfois, comme de petits éclats de soleil parsèment le récit : Jack qui s’amuse à glisser, subrepticement, dans une demande d’emploi ou une lettre de félicitation commandée par un client, de courtes citations de ses auteurs préférés. La poésie comme si de rien n’était. Jack encore, qui entretient un rapport au monde légèrement décalé, comme s’il n’était pas vraiment là, plutôt désabusé, hanté par la promesse d’un bonheur qui se dérobe et qui dès lors n’a pas de prix, et pourtant prêt à accueillir, de ses congénères, toute preuve d’humanité.

Ce roman laisse toutefois comme une impression d’inachevé car le léger suspense, bien entretenu, et la signification de tout cela demeurent énigmatiques jusqu’à la fin, et au-delà.

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⭐ Jacques Poulin, Chat sauvage, éd. Actes Sud, coll. Babel, 2000 (1998), 224 pages, 7,50 €.

Du même auteur : Jimmy & La Tournée d’automne.

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12 commentaires sur “[roman] « Chat sauvage » Jacques Poulin

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  1. Comme je l’ai dit pour ‘Les grandes marées’, Jacques Poulin parle toujours d’écriture, finalement.

    1. Je n’ai lu que deux romans de Jacques Poulin (celui-ci donc et « La tournée d’automne ») et en effet, il y est quelque part question d’écriture…

  2. J’avais dû lire ce roman pour le cours de français quand j’avais 15 ans. J’avais détesté. Il m’avait profondément ennuyée. Je me vois encore discuter avec mon prof dans les couloirs du collège en lui expliquant en long et en large pourquoi je n’avais pas apprécié. Ton billet m’offre un autre point de vue. Peut-être serait-il temps quinze ans après de lui donner une seconde chance 🙂

    1. Honnêtement, j’ai largement préféré « La tournée d’automne », mais ce « Chat sauvage » ne manque pas de charme.

  3. certains romans de Poulin m’ont donné cette impression d’inachevé – les yeux bleus de Mistassini notamment, une mini déception – mais pour tellement de bons moments avec d’autres livres (je te conseille les grandes marées vraiment vraiment et la traduction est une histoire d’amour, et le vieux chagrin 🙂 )

  4. J’aime bien cet auteur mais c’est vrai que parfois on a ce goût d’inachevé .. et puis l’on retrouve toujours : des chats, un bus VW, des livres. De temps en temps ça fait du bien.

  5. J’avoue que Poulin et ses voyages verticaux, à 15 ans, je ne sais pas si j’aurais apprécié! Mais bon, maintenat, j’aime. À petite dose!

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