« Les danseurs sur scène essaient d’ordonner le chaos. » Sidi Larbi Cherkaoui
A Avignon, Sidi Larbi Cherkaoui a choisi le cadre naturel de la Carrière de Boulbon pour une pièce inspirée de l’élément minéral. D’où le gris du décor, d’où la pierre comme outil, ou comme arme, la pierre en fil conducteur, la pierre comme symbole récurrent.
Photo : Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon
En effet, la pierre est un matériau ultra-présent dans ce puzzle mis en scène par Sidi Larbi Cherkaoui : pierre de la falaise en décor de fonds ; grosses dalles volumineuses d’un jeu de construction que les onze danseurs manipulent, construisant et déconstruisant le plateau, parfois avec labeur, parfois dans une réelle violence, parfois dans une profonde délicatesse ; ou petits pavés qu’ils tapent comme des percussions et alignent en de mouvantes constellations, telles les morceaux d’un monde éclaté qui cherche à reprendre forme.
Photo : Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon
Cherkaoui s’est inspiré des mouvements de la nature (atomes, chaîne ADN, virus) et du désordre apparent qui les domine, pour créer une chorégraphie d’attraction-répulsion, graphique et énergique. Il a aussi réussi à entrelacer danse, musique et chant : la flûte traditionnelle de Kazunari Abe, les voix a cappella du groupe corse A Filetta et de la chanteuse de musique ancienne moyen-orientale Fadia Tomb el-Hage accompagnent les chaînes dansées par les silhouettes en sarouel noir. Les corps s’arrachent les uns des autres, fusionnent en volutes, s’isolent… Les silhouettes semblent dévastées devant le mur des fusillés, tendues pour des escalades, souples lorsqu’elles se laissent glisser les unes sur les autres, pétrifiées quand elles deviennent sculptures…
Photo : Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon
Le décor se transforme ensuite en un tableau d’inspiration antique, ruines et colonnades, et les danseurs s’agglutinent en bas-relief, créant des images parfois un peu lourdes, trop appuyées. Heureusement, dans la troisième partie, on en revient au mouvement. Le solo du jeune danseur Sang-Hun Lee, juste soutenu par le chant de la flûte, est aérien et léger… sublime !
Un spectacle disparate donc, qui souffre d’inégalités et de quelques surabondances d’effets (le spectacle atteint presque les deux heures et gagnerait à plus de sécheresse), mais un spectacle très esthétique qui entre en parfaite résonance avec son écrin minéral. Et si quelques pièces de ce Puz/zle semblent en trop, elles composent néanmoins une belle mosaïque, pleine d’allant !
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⭐⭐ Puz/zle
Chorégraphie de Sidi Larbi Cherkaoui
Scénographie de Filip Peeters, Sidi Larbi Cherkaoui
Avec Navala Chaudhari, Leif Federico Firnhaber, Damien Fournier, Ben Fury, Louise Michel Jackson, Kazutomi Kozuki ou Nicola Leahey (en alternance), Sang-Hun Lee, Valgerdur Rúnarsdóttir, Helder Seabra, Elie Tass, Michael Watts
Et les musiciens Kazunari Abe, Fadia Tomb El-Hage, A Filetta (Jean-Claude Acquaviva, Ceccè Acquaviva, Jean-Luc Geronimi, Paul Giansily, Jean Sicurani, Maxime Vuillamier).
Durée : 1h45
Spectacle vu le 19/07/2012 au Festival d’Avignon in.
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