[théâtre] « Los hijos se han dormido » de Daniel Veronese, d’après « La Mouette » d’Anton Tchekhov

Après un passage récent à la Scène Nationale d’Albi (avec Le développement de la civilisation à venir), Daniel Veronese présente actuellement au Théâtre National de Toulouse son adaptation de La Mouette d’Anton Tchekhov.

"Les enfants se sont endormis" Daniel VeronesePhoto : Catherine Vinay

Dans La Mouette, Medvédenko aime Macha, qui aime Kostia, qui aime Nina, qui aime Trigorine, qui aime Irina… Toutefois, dans son adaptation, Veronese resserre sa trame sur le quatuor terrible de La Mouette : Irina, actrice à succès sur le déclin et son compagnon Trigorine, auteur adulé mais tourmenté, face à leurs doubles inversés, à peine éclos : Kostia, fils d’Irina qui se rêve écrivain et dont Irina méprise les aspirations, et Nina, fascinée par la notoriété de Trigorine et aspirante comédienne que Konstantin met en scène dans sa première pièce.

Cette pièce ou tout le monde court après quelqu’un d’autre pourrait s’apparenter à une comédie légère ; il n’en est rien. Car au fur et à mesure de son déroulement apparaissent les jalons qui mèneront au drame…

Cette Mouette argentine à l’atmosphère survoltée a tout oublié de sa langueur mélancolique originelle. Elle possède une violence abrupte, sans hystérie, sans outrance, magistralement servie par une troupe de comédiens très investis, au jeu physique détonnant ; hallucinés, ils sont incandescents !

Décor réduit au minimum, actualisation des situations, acteurs proches du public, condensation du texte, ellipses, accélération du rythme, vivacité de la parole, telle est la méthode Veronese ; efficace, séduisante, étonnante ! Toutefois, elle laisse ici apparaître ses limites car il est parfois difficile de suivre le tourbillon que devient Los hijos se han dormido. Son rythme effréné, les ellipses temporelles, et les répliques qui fusent et s’enchevêtrent ont tendance par moments à perdre le spectateur, surtout au début de la pièce (et la représentation en espagnol surtitré n’arrange rien !).

Mais si Veronese réécrit et bouscule La Mouette c’est pour, au-delà du vaudeville, mieux en faire ressortir toute la cruauté et mettre en évidence sa réflexion aiguë sur l’amour (ou plutôt le manque d’amour) et sur la création artistique. Il propose une mise en scène d’une densité, d’une intensité et d’une âpreté incroyable qui garde toute la pâte humaine de Tchekhov, en la revivifiant.

Et au moment du dénouement, on reste choqué. Même si on connaissait la fin, même si on pouvait s’y attendre…

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⭐⭐⭐ Los hijos se han dormido
Adaptation et mise en scène de Daniel Veronese
D’après La Mouette d’Anton Tchekhov
Avec Claudio Da Passano, María Figueras, Berta Gagliano, Ana Garibaldi, Lautaro Delgado, Ernesto Claudio, Maria Onetto, Marcelo D’Andrea, Javier Orlando Rodriguez, Pablo Finamore.
Durée : 1h30
Spectacle vu le 25/01/2013 au TNT, Théâtre National de Toulouse.

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